Jours et vues : les règles entre voisins

Jours et vues entre voisins : comprendre les règles (2025)
Les « jours » et les « vues » sont des ouvertures pratiquées en limite de propriété. Le droit français encadre strictement ces percements afin de préserver la vie privée et d’éviter les indiscrétions. Ce guide clarifie les définitions, les distances à respecter, les conditions techniques des « jours de souffrance », le régime des murs mitoyens, les servitudes de vue et les sanctions en cas d’irrégularité.
Sommaire
- Définitions : jour (lumière) vs vue (regard)
- Jours : conditions matérielles et hauteurs minimales
- Vues : distances légales (1,90 m / 0,60 m) et saillies
- Murs mitoyens / non mitoyens et exception du domaine public
- Servitudes de vue : titre, destination, prescription trentenaire
- Ouvertures irrégulières : actions, suppression, démolition
- Cas particuliers : escaliers, copropriété, indivision, tour d’échelle
- Tableau récapitulatif et exemples
- FAQ courte
- Conclusion
Définitions : « jour » et « vue »
Un jour (ou « jour de souffrance ») est une ouverture uniquement destinée à laisser passer la lumière. Par définition, il est fixe (verre dormant), non ouvrant et protégé par un treillis empêchant tout regard et toute aération. Sa vocation n’est pas de permettre l’observation du fonds voisin.
Une vue est une ouverture qui autorise un regard normal sur le fonds voisin : fenêtre ouvrante, porte-fenêtre, baie, balcon, terrasse ou toute saillie assimilée. On distingue la vue droite (perpendiculaire à la limite séparative) et la vue oblique (de biais).
Jours : conditions et hauteurs minimales
Les jours ne sont admis qu’à des conditions techniques strictes : châssis à verre dormant (non ouvrant) et treillis (mailles resserrées). Ils doivent, en outre, être placés à une hauteur minimale pour neutraliser tout risque d’indiscrétion : 2,60 m au rez-de-chaussée et 1,90 m aux étages, la mesure s’effectuant à partir du plancher de la pièce.
En présence d’un escalier, la hauteur se calcule « marche par marche » dans la direction de la vue, afin d’éviter qu’un palier ou une contremarche n’abaisse artificiellement le point de mesure. Un jour qui ne respecte pas ces critères est irrégulier et peut être supprimé ou exigé en mise en conformité.
Vues : distances légales et saillies
Les vues droites doivent être situées au minimum à 1,90 m de la limite séparative. Les vues obliques exigent au moins 0,60 m. La distance se mesure depuis le parement extérieur du mur supportant l’ouverture. En cas de balcon ou de saillie, la mesure part de la ligne extérieure de cette saillie.
Le non-respect des distances ouvre au voisin un droit d’agir pour obturer, supprimer ou faire démolir l’ouverture litigieuse. À l’inverse, une servitude de vue peut autoriser des vues plus proches, si elle grève le fonds voisin.
Murs mitoyens, murs non mitoyens et domaine public
Sur un mur mitoyen, aucune ouverture (jour ou vue) ne peut être pratiquée sans l’accord de l’autre copropriétaire. Sur un mur non mitoyen joignant immédiatement le fonds d’autrui, les jours sont possibles s’ils respectent les conditions techniques et de hauteur ; les vues ne sont licites qu’en respectant les distances de 1,90 m ou 0,60 m.
Les règles « jours et vues » ne s’appliquent pas lorsque l’ouverture donne sur le domaine public (rue, place) : dans ce cas, ce sont les autorisations administratives (urbanisme, alignement, sécurité) qui peuvent limiter les percements.
Servitude de vue : trois voies d’acquisition
Une servitude de vue permet de déroger aux distances légales. Elle peut être acquise par titre (convention ou acte notarié), par destination du père de famille (aménagement réalisé par un propriétaire unique avant la division), ou par prescription trentenaire si une vue apparente et permanente a été exercée pendant 30 ans sans contestation.
À noter : un jour n’engendre jamais de servitude par prescription, car il n’autorise pas le regard ; seule une vue apparente peut se prescrire. En cas de doute, l’interprétation repose sur la qualification matérielle de l’ouverture (fixe/ouvrante, opaque/transparente, hauteur, possibilité de regard).
Ouvertures irrégulières : actions et sanctions
Le voisin d’une ouverture non conforme peut demander la mise en conformité (transformation en jour légal), la suppression ou la démolition. Il peut aussi, s’il le souhaite, construire à sa limite pour obstruer une vue irrégulière.
Le juge conserve un pouvoir d’appréciation : il peut ordonner des aménagements (pose d’un écran occultant, remplacement par un châssis fixe), ou requalifier l’ouverture si les éléments matériels démontrent l’absence de regard. Les constats, plans et photos sont déterminants dans l’issue d’un litige.
Cas particuliers
Escaliers
Pour un escalier, la hauteur des jours se calcule marche par marche dans la direction de la vue. Un vitrage fixe conforme peut éclairer un escalier bordier s’il respecte ces hauteurs à chaque niveau.
Copropriété
En copropriété, il faut distinguer parties communes et parties privatives. Selon la qualification, l’initiative ou l’action relèvera du syndicat ou du copropriétaire concerné. Le règlement de copropriété et les décisions d’assemblée doivent être vérifiés avant toute ouverture ou contestation.
Indivision
En indivision, certaines ouvertures peuvent être admises selon l’accord des coïndivisaires et la configuration des lieux. La prudence commande de formaliser les autorisations pour éviter tout contentieux ultérieur.
Tour d’échelle
À titre exceptionnel, un propriétaire peut solliciter judiciairement un tour d’échelle pour exécuter des travaux indispensables depuis le fonds voisin. L’autorisation est temporaire et donne lieu, en général, à indemnisation.
Tableau récapitulatif
Situation | Règle de principe | Points d’attention |
---|---|---|
Jour (lumière sans regard) | Verre dormant, treillis, hauteur min. 2,60 m (RDC) / 1,90 m (étages) | Pas d’aération, pas de vue ; pas de servitude par prescription |
Vue droite | Distance min. 1,90 m de la limite | Mesure depuis le parement extérieur ou l’extrémité de la saillie |
Vue oblique | Distance min. 0,60 m | Regard de biais ; même logique de mesure |
Mur mitoyen | Ouvertures interdites sans accord | Un consentement écrit peut lever l’interdiction |
Domaine public | Règles « jours et vues » inapplicables | Relève des autorisations administratives |
Servitude de vue | Titre / destination / prescription 30 ans | Permet des dérogations aux distances |
Exemples
Fenêtre ouvrante à 1,50 m de la limite
Il s’agit d’une vue droite irrégulière. Le voisin peut demander la suppression ou exiger la mise en conformité (jour réglementaire) ; à défaut, il peut construire à sa limite pour l’obstruer.
Balcon en saillie
La distance se mesure depuis l’extrémité du balcon. Si la cote de 1,90 m n’est pas respectée, la vue est irrégulière sauf servitude établie.
Escalier éclairé par un vitrage fixe
La conformité s’apprécie marche par marche. Un châssis non ouvrant et opaque placé aux bonnes hauteurs constitue un jour licite.
FAQ courte
Un « jour » peut-il se prescrire ?
Non. Seule une vue apparente et permanente peut devenir une servitude par 30 ans d’usage.
Puis-je ouvrir dans un mur mitoyen ?
Non, sauf accord écrit du copropriétaire voisin.
Comment mesurer avec un balcon ?
Depuis l’extrémité de la saillie jusqu’à la limite séparative.
Les règles s’appliquent-elles sur rue ?
Non : face au domaine public, on relève du contrôle administratif (urbanisme).
Je découvre une fenêtre trop proche : que faire ?
Demander la mise en conformité, la suppression ou obstruer par construction régulière.
Conclusion
Avant tout percement en limite, qualifiez l’ouverture (jour/vue), mesurez les distances et hauteurs, vérifiez la mitoyenneté et l’existence d’une servitude. En cas d’incertitude, privilégiez un accord écrit et sollicitez un conseil professionnel.
Document d’information : ne vaut pas consultation personnalisée.
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