Achat du local d'activité : comment faire le bon choix ?

Acquérir son immeuble d’exploitation : quel mode de détention choisir ?
Pour un chef d’entreprise, acquérir son immeuble d’exploitation représente bien plus qu’une simple opération immobilière : c’est un choix structurant pour son avenir professionnel, patrimonial et familial. Faut-il acheter à titre personnel, via la société d’exploitation, ou créer une SCI dédiée ? Chaque solution présente des avantages, des contraintes juridiques, fiscales et successorales qu’il est essentiel de maîtriser avant de se lancer.
Cette décision influence non seulement la pérennité de l’entreprise, mais aussi la capacité du dirigeant à préparer sa retraite, à protéger sa famille et à transmettre son patrimoine. En 2025, dans un contexte fiscal et économique instable, la question du mode de détention de l’immobilier professionnel demeure un sujet central de la stratégie entrepreneuriale.
Ce guide complet, rédigé dans une perspective notariale, a pour objectif de vous éclairer sur les trois principales voies possibles : 1) l’acquisition directe par la société d’exploitation, 2) l’acquisition en nom propre, 3) l’acquisition via une SCI, éventuellement combinée à un démembrement de propriété. Vous y trouverez des explications juridiques, des comparaisons chiffrées, des exemples concrets et des recommandations issues de la pratique notariale.
Sommaire
- 1. Les enjeux patrimoniaux et fiscaux de l’acquisition d’un immeuble d’exploitation
- 2. Les critères essentiels pour choisir le mode de détention
- 3. Les trois modes de détention possibles
- 4. Avantages comparés et premières orientations
- 5. L’acquisition par la société d’exploitation
- 6. L’acquisition en nom propre
- 7. L’acquisition par une SCI
- 8. Comparatif global des trois modes
- 9. Choisir le bon régime fiscal : IR ou IS ?
- 10. Le démembrement temporaire de propriété : une solution hybride
- 11. Synthèse des choix fiscaux et patrimoniaux
- 12. Transmission de l’immeuble d’exploitation : anticiper dès l’acquisition
- 13. Protection du conjoint et de la famille
- 14. Préparer la retraite du dirigeant
- 15. Pratique bancaire : financement, garanties et sûretés
- 16. Le rôle du notaire dans le financement
- 17. La fiscalité de la revente : un enjeu déterminant
- 18. Immeuble professionnel et IFI : quand l’outil de travail échappe à l’impôt sur la fortune
- 19. Abus de droit fiscal : sécuriser les montages
- 20. Sécurisation notariale et audit de conformité
- 21. Références et textes applicables
- 22. Check-lists pratiques
- 23. Foire aux questions (FAQ)
- 24. Conclusion : le rôle central du notaire
1. Les enjeux patrimoniaux et fiscaux de l’acquisition d’un immeuble d’exploitation
L’achat de l’immeuble dans lequel s’exerce l’activité professionnelle est souvent une étape clé de la vie du chef d’entreprise. Il ne s’agit pas seulement d’un investissement immobilier : c’est une décision qui impacte la structure financière, la fiscalité, la transmission et la retraite du dirigeant. Les notaires à Caen accompagnent quotidiennement ces opérations et savent combien le choix du mode de détention conditionne la réussite à long terme.
1.1. Une décision à double dimension : professionnelle et personnelle
Le chef d’entreprise doit arbitrer entre la rentabilité économique de son entreprise et la constitution de son patrimoine personnel. En acquérant son immeuble, il diversifie ses actifs : d’un côté, il exploite son outil de travail ; de l’autre, il se constitue un capital immobilier transmissible. Cependant, selon la structure juridique choisie, cet équilibre sera plus ou moins fragile.
Par exemple, un dirigeant de SARL qui fait acquérir l’immeuble par sa société immobilise de la trésorerie professionnelle et augmente la valeur de la société. À l’inverse, s’il achète à titre personnel, il se garantit une sécurité patrimoniale mais supporte la fiscalité foncière. Enfin, la création d’une SCI patrimoniale peut permettre de combiner les deux logiques, sous réserve d’une rédaction rigoureuse des statuts.
1.2. Les objectifs poursuivis par le dirigeant
- Préparer la retraite : l’immobilier devient une source de revenus futurs (loyers perçus après cession d’activité).
- Assurer la transmission : en dissociant l’immeuble de l’exploitation, on facilite la reprise d’entreprise et la donation du patrimoine.
- Protéger le patrimoine familial : en isolant les risques liés à l’activité commerciale.
- Optimiser la fiscalité : en choisissant le bon régime d’imposition (IR, IS, démembrement, amortissement).
1.3. Une réflexion à mener dès l’acquisition
Le notaire joue ici un rôle central : il ne s’agit pas de choisir un mode de détention par habitude, mais bien de bâtir une stratégie cohérente. Les choix initiaux (acquisition par la société, en direct ou via une SCI) auront des conséquences durables sur :
- la fiscalité des loyers et des plus-values,
- la protection en cas de défaillance,
- la transmission aux héritiers,
- et même la capacité à emprunter auprès des banques.
2. Les critères essentiels pour choisir le mode de détention
Chaque situation est unique : l’âge du dirigeant, son régime matrimonial, son taux marginal d’imposition, ses objectifs successoraux et sa trésorerie disponible doivent guider la décision. Voici les principaux paramètres à prendre en compte :
- Durée prévisionnelle d’exploitation : s’agit-il d’un investissement à long terme ou d’un immeuble destiné à être revendu avec l’entreprise ?
- Situation familiale : le dirigeant souhaite-t-il protéger son conjoint ou transmettre à ses enfants ?
- Fiscalité personnelle : quel est le taux marginal d’imposition et comment évoluera-t-il à la retraite ?
- Capacité financière : le dirigeant peut-il supporter l’effort de remboursement sans compromettre la trésorerie de son entreprise ?
- Objectif patrimonial : souhaite-t-il dégager des revenus complémentaires ou valoriser un capital à transmettre ?
La combinaison de ces critères permettra d’orienter vers l’une des trois solutions suivantes : - acquisition directe par la société d’exploitation, - acquisition en nom propre, - acquisition par le biais d’une SCI (soumise à l’IR ou à l’IS).
3. Les trois modes de détention possibles
Chacun de ces modes présente des implications juridiques et fiscales distinctes. Le notaire aide le dirigeant à choisir la solution la plus adaptée à ses objectifs et à anticiper les effets de long terme.
3.1. L’acquisition par la société d’exploitation
Dans ce cas, la société (SARL, SAS, etc.) achète directement le bien et l’inscrit à l’actif du bilan. Cette solution simplifie le financement (l’immeuble sert de garantie) et permet la déduction fiscale des amortissements, intérêts d’emprunt et frais d’entretien. En revanche, elle présente plusieurs inconvénients : - en cas de procédure collective, l’immeuble est exposé aux créanciers, - en cas de revente de la société, il alourdit sa valeur et complique la transmission, - la plus-value de cession est imposée à l’IS, souvent à 25 %.
Cette solution convient donc aux dirigeants qui souhaitent conserver durablement leur activité et ne visent pas une transmission à court terme.
3.2. L’acquisition en direct dans le patrimoine privé
Le chef d’entreprise achète l’immeuble à titre personnel et le loue à sa société via un bail commercial. Avantages : - patrimoine protégé des risques professionnels, - plus-value exonérée d’impôt sur le revenu après 22 ans de détention, - facilité de cession de la société sans contrainte immobilière. Inconvénients : - fiscalité des loyers lourde (revenus fonciers taxés au taux marginal), - indivision successorale en cas de décès, - difficulté pour la société en cas de désaccord entre héritiers.
3.3. L’acquisition par le biais d’une SCI
Solution souvent privilégiée par les notaires, la SCI (Société Civile Immobilière) permet d’isoler l’immeuble, d’organiser la gestion et de préparer la transmission. Elle offre la possibilité de choisir entre deux régimes fiscaux : - la transparence fiscale (IR) : imposition directe des revenus fonciers chez les associés ; - l’option à l’IS : amortissements et déductions possibles, imposition à 15 % ou 25 % selon le bénéfice.
La SCI protège l’immeuble des risques de l’activité commerciale, tout en permettant de transmettre progressivement les parts aux enfants, en nue-propriété ou en pleine propriété. Elle reste cependant plus complexe à gérer et nécessite un accompagnement notarial rigoureux.
4. Avantages comparés et premières orientations
En résumé : - La société d’exploitation favorise la simplicité et le financement, mais expose le bien aux risques de faillite. - L’achat en direct protège le patrimoine, mais alourdit la fiscalité immédiate. - La SCI combine souplesse, transmission et optimisation, mais suppose une gestion juridique suivie.
Dans les blocs suivants, nous approfondirons ces options en analysant leur fiscalité respective (IR vs IS), leurs effets patrimoniaux (retraite, succession, démembrement) et leurs implications bancaires et successorales.
5. L’acquisition par la société d’exploitation
Lorsque la société d’exploitation (SARL, SAS, EURL, SELARL, etc.) achète directement son immeuble, elle inscrit celui-ci à l’actif du bilan. Ce montage paraît naturel : l’immeuble fait partie intégrante de l’outil de travail et le chef d’entreprise centralise ainsi son patrimoine professionnel. Mais cette simplicité apparente cache des implications juridiques, financières et fiscales importantes.
5.1. Les avantages
- Facilité de financement : la banque apprécie que l’immeuble appartienne à la société exploitante, car il constitue une garantie réelle. Le prêt est consenti sur la base des résultats de l’entreprise et des flux locatifs internes nuls.
- Déductibilité des charges : toutes les dépenses liées à l’immeuble (frais d’acquisition, amortissements, intérêts, assurances, entretien) sont intégralement déductibles du résultat imposable, réduisant l’assiette de l’IS.
- Gestion simplifiée : pas de bail commercial interne ni de flux locatifs : l’immeuble est exploité directement.
5.2. Les inconvénients
- Exposition au risque professionnel : en cas de procédure collective, l’immeuble est saisi au profit des créanciers ; le dirigeant perd la séparation entre patrimoine professionnel et privé.
- Difficulté de revente : la présence de l’immeuble alourdit la valorisation de la société et décourage un repreneur intéressé uniquement par l’activité.
- Fiscalité des plus-values : lors de la vente, la plus-value est intégrée au résultat et soumise à l’IS au taux de droit commun (15 % jusqu’à 42 500 €, puis 25 %). Les amortissements déduits majorent la base imposable.
- Pas de revenus post-cession : après la vente de la société, le dirigeant ne conserve aucun revenu immobilier complémentaire.
5.3. Exemple chiffré
Une SARL achète un immeuble professionnel 600 000 €, amorti 3 %/an sur 15 ans. L’économie d’IS annuelle atteint ≈ 4 500 €. Mais, à la revente 800 000 €, la plus-value comptable (800 000 – (600 000 – 270 000)) = 470 000 € sera imposée à 25 %, soit ≈ 117 500 €.
5.4. Profil conseillé
Dirigeants souhaitant conserver durablement leur activité, structure stable, pas de transmission proche. Déconseillé pour ceux préparant retraite ou cession.
6. L’acquisition en nom propre
Le dirigeant achète l’immeuble à titre personnel et le loue à sa société via un bail commercial (art. L. 145-1 C. com.). Il devient bailleur de sa propre entreprise, séparant patrimoine privé et professionnel.
6.1. Avantages
- Protection du patrimoine : le bien échappe aux créanciers professionnels (sauf caution personnelle).
- Souplesse en cas de cession : le repreneur loue ou quitte les locaux sans acheter les murs.
- Plus-value long terme : exonération d’IR après 22 ans et de PS après 30 ans.
- Revenus futurs : après la cession de l’activité, le bail se poursuit et procure un complément de retraite.
6.2. Inconvénients
- Fiscalité des loyers : revenus fonciers imposés au TMI + 17,2 % de PS, sans amortissement possible.
- Indivision successorale : en cas de décès, le bien est partagé entre héritiers, source de blocages.
- Trésorerie tendue : le loyer doit couvrir emprunt + impôts, souvent difficile les premières années.
6.3. Exemple chiffré
Immeuble 500 000 €, loyer 3 500 €/mois → 42 000 €/an. Intérêts 12 000 €, revenu net 30 000 €, imposé ≈ 47,2 % → 14 160 € d’impôt/an : forte charge initiale.
6.4. Profil adapté
Dirigeants souhaitant isoler leur patrimoine, TMI modéré, détention longue. Déconseillé si forte imposition ou transmission proche.
7. L’acquisition par une SCI
La SCI sépare le patrimoine immobilier de l’activité tout en facilitant gestion et transmission. Constituée entre membres d’une même famille ou associés, elle peut opter pour l’IR (transparence) ou l’IS (amortissements).
7.1. Avantages
- Protection juridique : l’immeuble est isolé des risques commerciaux ; la SCI reste propriétaire en cas de faillite de l’exploitant.
- Souplesse statutaire : clauses de gérance, majorité, agrément ; anticipation décès ou désaccord.
- Transmission facilitée : donations successives de parts avec abattements renouvelables.
- Fiscalité modulable : choix IR / IS selon stratégie.
- Continuité familiale : gérance pérenne, évite indivision successorale.
7.2. Inconvénients
- Formalités : statuts, immatriculation, comptabilité, assemblées.
- Responsabilité illimitée : chaque associé répond des dettes à proportion de ses parts (art. 1857 C. civ.).
- IS : plus-values professionnelles et double imposition dividendes.
7.3. SCI à l’IR
Transparente : loyers imposés chez les associés comme revenus fonciers. Avantage : simplicité. Inconvénient : fiscalité immédiate et lourde pendant l’emprunt.
7.4. SCI à l’IS
Permet de déduire frais et amortissements (taux 15 % / 25 %). Fiscalité allégée en phase de remboursement, mais plus-value majorée à la revente ; adaptée aux projets longs sans cession rapide.
7.5. Comparatif IR / IS
Critère | SCI IR | SCI IS |
---|---|---|
Fiscalité des loyers | IR des associés | 15 % / 25 % |
Amortissement | Non | Oui |
Plus-value | Abattements progressifs | IS sur VNC |
Transmission | Donation simple | Valorisation comptable |
7.6. Synthèse
Le choix dépend de la durée, de la rentabilité et de la stratégie successorale. Le notaire, avec le comptable, aide à arbitrer entre souplesse patrimoniale et rendement fiscal.
8. Comparatif global des trois modes
Critères | Société d’exploitation | Nom propre | SCI |
---|---|---|---|
Risque pro | Fort | Faible | Moyen |
Fiscalité revenus | IS 15-25 % | IR + 17,2 % | IR / IS |
Transmission | Difficile | Indivision | Facilitée |
Souplesse | Moyenne | Élevée | Très élevée |
Gestion | Simple | Simple | Formalisée |
Il n’existe pas de solution universelle : seule une analyse sur-mesure, conduite avec un notaire à Caen, permet d’arrêter un choix cohérent.
9. Choisir le bon régime fiscal : IR ou IS ?
Le choix entre l’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) est l’un des arbitrages majeurs du chef d’entreprise qui acquiert un immeuble d’exploitation. Il détermine la charge fiscale annuelle, la trésorerie et la taxation à la revente. Il concerne principalement les SCI, mais ses effets impactent tous les montages.
9.1. La SCI à l’IR
Régime par défaut : transparence. Les bénéfices sont imposés directement chez les associés (revenus fonciers). Avantages : simplicité, pas de double imposition, alignement fiscal-personnel. Inconvénients : pas d’amortissement, imposition immédiate même sans trésorerie, TMI jusqu’à 45 % + 17,2 % PS.
9.2. La SCI à l’IS
Option possible (art. 206 CGI) : la société paie 15 % jusqu’à 42 500 €, puis 25 %. Elle peut déduire : frais d’acquisition, intérêts et surtout amortissements du bien. Fiscalité allégée pendant l’emprunt ; en revanche, plus-value calculée sur la valeur nette comptable à la revente, fortement taxée. Distribution des bénéfices : flat tax 30 % ou barème.
9.3. Comparatif IR / IS
Critère | SCI IR | SCI IS |
---|---|---|
Base imposable | Loyers – charges | Résultat après amortissement |
Taux | TMI + 17,2 % | 15 % / 25 % |
Plus-value | Abattements progressifs | IS sur VNC |
Trésorerie | Sortie immédiate | Allégée pendant remboursement |
Transmission | Simple : parts démembrables | Valorisation comptable |
Exemple : immeuble 600 000 €, revenu brut 40 000 €, charges 10 000 €. – IR : bénéfice 30 000 €, impôt ≈ 18 000 €. – IS : amortissement 18 000 €, bénéfice 12 000 €, IS ≈ 1 800 €. → Économie annuelle ≈ 16 000 €, mais plus-value IS à la sortie ≈ 140 000 € contre exonération à l’IR après 30 ans.
10. Le démembrement temporaire de propriété
Le démembrement temporaire de propriété concilie les avantages des régimes IR et IS : la propriété des parts de SCI est divisée entre nue-propriété (souvent détenue par le dirigeant) et usufruit (acquis temporairement par la société d’exploitation).
10.1. Principe
Selon les art. 578 et 579 C. civ., la propriété se partage entre usufruit (usage + revenus) et nue-propriété (droit de disposer). La société usufruitière perçoit les revenus ou économise les loyers et supporte la fiscalité afférente. À la fin du démembrement (10-15 ans), la pleine propriété revient gratuitement au nu-propriétaire (art. 617 C. civ.).
10.2. Intérêts
- Fiscalité allégée : revenus imposés chez l’usufruitier (IS 15-25 %).
- Financement : loyers économisés par l’exploitant servent au remboursement de l’emprunt.
- Préparation de la retraite : pleine propriété reconstituée à terme, bien libre de dette.
- Transmission : donation de la nue-propriété avec valorisation réduite (barème art. 669 CGI).
10.3. Exemple
Immeuble 800 000 €, usufruit 15 ans valorisé 40 % = 320 000 €. La société verse 320 000 € à la SCI ; à l’expiration, le dirigeant retrouve la pleine propriété sans impôt.
10.4. Conditions
- Valorisation conforme au barème fiscal.
- Durée raisonnable : 10-15 ans.
- Justification économique réelle : financement et usage professionnel cohérents.
11. Synthèse des choix fiscaux et patrimoniaux
Option | Pendant financement | À la revente | Profil conseillé |
---|---|---|---|
SCI IR | Fiscalité lourde | Plus-value allégée | Conservation long terme |
SCI IS | Fiscalité allégée | Plus-value IS + dividendes | Optimisation cash-flow |
SCI + démembrement | Amortissement via usufruitier | Sortie IR allégée | Retraite + transmission |
12. Transmission de l’immeuble d’exploitation
L’objectif patrimonial majeur de l’acquisition d’un immeuble professionnel est souvent la préparation de la transmission. Anticiper permet de limiter la fiscalité et d’éviter les blocages familiaux.
12.1. Pourquoi anticiper ?
- Les abattements de 100 000 € se renouvellent tous les 15 ans (art. 779 CGI).
- Les valeurs augmentent avec le temps : transmettre tôt réduit la base taxable.
- Un cadre juridique clair prévient les conflits entre héritiers actifs et non-actifs.
12.2. Transmission en pleine propriété
Donation classique : simple mais perte de maîtrise et de revenus. Convient après cession ou pour patrimoine excédentaire.
12.3. Transmission en nue-propriété
Solution de référence : le dirigeant conserve l’usufruit (loyers) tout en transmettant la valeur. Droits calculés sur la seule nue-propriété selon le barème art. 669 CGI. Adapté aux parts de SCI ; maintien de la gérance et préparation successorale.
12.4. Transmission croisée entre époux
Possible : clause de réversion d’usufruit ou aménagement du régime matrimonial (art. 1526 C. civ.). Chaque époux donne la nue-propriété de ses parts en se réservant l’usufruit réversible : au décès du premier, le second conserve les loyers.
13. Protection du conjoint et de la famille
La protection du conjoint doit être intégrée dès la conception du montage.
13.1. Choix du régime matrimonial
- Séparation de biens : isole les risques mais peut créer un déséquilibre.
- Communauté universelle : protège au décès mais expose davantage en cas de difficulté.
- Clauses notariées : préciput, société d’acquêts, attribution intégrale.
13.2. Le bail commercial protecteur
Si l’immeuble appartient au conjoint non-exploitant, le bail sécurise ses revenus en cas de décès ou séparation : la société doit le respecter jusqu’à son terme.
13.3. Gérance de survie et assurance-décès
Nommer un gérant suppléant dans les statuts garantit la continuité. Souscrire une assurance-décès couvre le prêt ; le bien devient libre de dette pour le survivant.
14. Préparer la retraite du dirigeant
14.1. Vendre l’entreprise, conserver l’immeuble
Le dirigeant peut céder son fonds ou ses titres et garder les murs, générant un revenu locatif pour sa retraite.
14.2. Démembrement et retraite différée
En démembrement temporaire, la société finance l’immeuble ; à terme, le dirigeant récupère la pleine propriété et les loyers, sans fiscalité intermédiaire.
14.3. Arbitrage : vendre ou louer ?
- Exonération totale de plus-value après 22 ans : vente avantageuse.
- Immeuble récent : conservation = revenus réguliers transmissibles.
- Donation-cession : optimiser la plus-value sous contrôle notarial.
15. Pratique bancaire : financement, garanties et sûretés
15.1. Financement par la société d’exploitation
- Avantage : prêt fondé sur la rentabilité de l’entreprise.
- Inconvénient : l’immeuble devient actif professionnel saisissable.
- Garanties : nantissement du fonds, hypothèque, caution du dirigeant.
15.2. Financement en nom propre
Prêt personnel : loyers remboursent l’emprunt. Capacité dépend du revenu global ; hypothèque et assurance-décès exigées.
15.3. Financement via SCI
- La banque examine la solvabilité de la société locataire et des associés garants.
- Garanties : hypothèque, nantissement de parts, caution solidaire, bail commercial en gage de revenus.
15.4. Durée et ratios
Prêts 12-20 ans ; loyers ≥ 1,2 × échéances. En SCI IS, amortissements équilibrent la trésorerie, rassurant le banquier.
15.5. Garanties complémentaires
- Hypothèque conventionnelle (art. 2393 C. civ.).
- Caution personnelle fréquente.
- Assurance « homme-clé » : sécurise l’exploitation en cas de décès du dirigeant.
16. Le rôle du notaire dans le financement
Le notaire à Caen intervient : vérifie le bail, sécurise les garanties (hypothèque, privilèges), coordonne les flux et la conformité des statuts. Il agit en chef d’orchestre juridique entre banque, expert-comptable et société d’exploitation.
17. La fiscalité de la revente : un enjeu déterminant
La revente est souvent le moment le plus sensible : selon la structure choisie, la taxation de la plus-value varie du simple au triple. Le notaire anticipe cette étape dès l’acquisition pour éviter toute mauvaise surprise.
17.1. Revente en nom propre
Régime des plus-values des particuliers (art. 150 U et s. CGI) :
- Base : prix de vente – (prix d’achat + frais réels ou forfait 7,5 %).
- Abattement : exonération IR après 22 ans, PS après 30 ans.
- Taux : 19 % + 17,2 % avant abattements.
Exemple : achat 400 000 €, revente 600 000 € après 10 ans → plus-value 200 000 € ; abattement 30 % (IR) + 8,4 % (PS) → base 130 000 € × 36,2 % = 47 000 € d’impôt.
17.2. Revente via société d’exploitation
La plus-value est intégrée au résultat et imposée à l’IS (15 % ou 25 %). Les amortissements antérieurs majorent la base. Exemple : bien 600 000 €, amorti 180 000 €, revendu 800 000 € → plus-value 380 000 € × 25 % = 95 000 € d’IS + flat tax 30 % sur dividendes distribués.
17.3. Revente via SCI IR
Même régime que les particuliers. Fiscalité allégée sur le long terme mais loyers taxés lourdement pendant la détention. Adaptée à une stratégie patrimoniale longue (retraite, transmission).
17.4. Revente via SCI IS
Plus-value calculée sur la valeur nette comptable, imposée à 25 % (puis éventuellement flat tax sur les dividendes). Bénéfice d’amortissement immédiat ⇔ imposition différée élevée. Simulation préalable indispensable.
17.5. Revente après démembrement
À la fin du démembrement, la pleine propriété est reconstituée sans taxation (art. 617 C. civ.). La fiscalité dépend du régime fiscal de la SCI : IR (particuliers) ou IS (professionnel).
18. Immeuble professionnel et IFI : quand l’outil de travail échappe à l’impôt sur la fortune
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) vise les biens et droits immobiliers (art. 965 CGI). Les biens affectés à l’activité professionnelle du redevable sont toutefois exclus (art. 975 CGI).
18.1. Exonération de l’outil professionnel
Exonérés : - immeuble inscrit à l’actif d’une entreprise individuelle ou d’une société où le redevable exerce son activité principale ; - parts de SCI si le gérant contrôle la société exploitante et met l’immeuble à disposition exclusive de celle-ci.
18.2. Cas particuliers des SCI
- SCI à l’IR : exonération si le gérant exerce son activité dans la société locataire.
- SCI à l’IS : possible mais plus strict, nécessite lien fonctionnel fort entre immeuble et activité.
- Les comptes courants d’associés restent imposables : mieux vaut un capital libéré.
18.3. Exemples
Cas 1 : notaire associé d’une SELARL, gérant de la SCI qui loue l’étude → exonération totale. Cas 2 : dirigeant non-gérant d’une SCI louant à sa société → pas d’exonération. Cas 3 : usufruit temporaire détenu par la société → exonération limitée à la valeur de l’usufruit.
19. Abus de droit fiscal : sécuriser les montages
L’article L. 64 LPF permet à l’administration de requalifier un montage sans substance économique. Un schéma SCI / usufruit ou IS mal calibré peut être contesté. Il faut donc démontrer un motif économique réel.
19.1. Indices d’abus
- Absence d’activité réelle ou de risque financier.
- Valorisation artificielle du démembrement.
- Durée de démembrement inadaptée.
- Flux de loyers ou conventions internes fictifs.
19.2. Jurisprudence
- CE 29 déc. 2017, n° 402780 : montage validé car justifié économiquement.
- Cass. com. 31 mars 2009 : démembrement fictif requalifié en donation déguisée.
- CAA Versailles, 2021, n° 19VE01973 : abus écarté pour SCI autonome.
19.3. Bonnes pratiques
- Rédiger des statuts complets (objet, pouvoirs, majorité).
- Justifier la cohérence économique du montage.
- Consigner toutes les décisions en assemblée.
19.4. Le rescrit fiscal
L’article L. 80 B LPF permet de sécuriser le montage par un rescrit fiscal : réponse écrite de l’administration confirmant la conformité du schéma. Le notaire peut accompagner cette démarche.
20. Sécurisation notariale et audit de conformité
Le notaire agit comme un architecte patrimonial : il vérifie la cohérence du montage, la conformité fiscale et la traçabilité des actes (enregistrement, formalités, hypothèques). Il protège les associés contre les risques civils et fiscaux.
20.1. Audit préalable
- Analyse du patrimoine, régime matrimonial, endettement, objectifs de transmission.
- Choix entre détention directe, SCI IR, SCI IS, ou démembrement.
20.2. Contrôle périodique
- Vérification annuelle des loyers, baux, registres d’associés.
- Adaptation des clauses de gérance.
- Contrôle des affectations de résultat.
21. Références et textes
- Code civil : art. 1832 s., 578 s., 1857.
- CGI : art. 8, 206, 238 bis K, 150 U, 669, 975, 779.
- LPF : art. L. 64, L. 80 B.
- BOFiP : BOI-PAT-IFI-10-20-20 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-20.
22. Check-lists pratiques
22.1. Avant d’acheter
- Définir objectif : outil, investissement ou retraite.
- Comparer détention directe / société / SCI.
- Audit patrimonial avec notaire et comptable.
- Simuler fiscalité IR / IS sur 15-25 ans.
22.2. Avant le financement
- Comparer taux bancaires et garanties.
- Valider hypothèque, nantissement, assurances.
- Planifier amortissements et flux.
22.3. Avant la location
- Bail commercial conforme et enregistré.
- Loyer de marché, clause de remplacement du gérant.
- Statuts SCI à jour (agrément des héritiers).
22.4. Avant la transmission
- Évaluer parts / immeuble.
- Calculer nue-propriété (art. 669 CGI).
- Prévoir réversibilité d’usufruit.
22.5. Avant la retraite
- Simuler impact de la vente ou de la location.
- Réviser statuts et clauses de gérance.
- Mettre à jour assurances et régimes matrimoniaux.
23. Foire aux questions
23.1. Peut-on acheter à plusieurs ?
Oui, via SCI ou indivision ; la SCI évite les blocages.
23.2. L’immeuble est-il saisissable ?
Oui s’il appartient à la société d’exploitation ; non s’il est détenu personnellement ou par une SCI distincte.
23.3. Quel régime fiscal est le plus avantageux ?
À court terme : IS. À long terme : IR. Le notaire peut recommander un démembrement pour cumuler les deux.
23.4. Peut-on changer le régime d’une SCI ?
Oui, passage à l’IS possible mais irrévocable.
23.5. Quelle durée pour un démembrement ?
10 à 15 ans, durée de l’emprunt et de l’usage professionnel.
23.6. Quels sont les frais notariés ?
Environ 7 % du prix, identiques en direct ou via SCI.
23.7. Les loyers peuvent-ils être révisés ?
Oui, selon l’ILC ou l’ILAT.
23.8. L’usufruit temporaire est-il amortissable ?
Oui, amorti sur la durée du démembrement (art. 39 B CGI).
24. Conclusion : le rôle central du notaire
Acquérir son immeuble d’exploitation est une décision stratégique à long terme. Les implications sont juridiques, fiscales et patrimoniales : aucun montage n’est universel. Le notaire conçoit la structure la plus adaptée à la situation de chaque dirigeant.
En résumé : - Dirigeant en croissance : SCI à l’IS pour la souplesse et le cash-flow. - Dirigeant proche de la retraite : SCI à l’IR ou détention directe pour transmission et plus-value allégée. - Projet familial : démembrement temporaire pour optimiser fiscalité et succession.
👉 Dans tous les cas, la clé du succès reste l’accompagnement par un notaire à Caen compétent en structuration patrimoniale.
Pour aller plus loin :
5 RUE SADI CARNOT
14000 CAEN
DU LUNDI AU VENDREDI
9H - 12h30
14h - 18H30
SIRET : 833 134 448 000 12
N° TVA : FR88 833 134 448
CODE CRPCEN : 14104